Interroger les investisseurs sur leurs préférences en matière d’investissement durable devient obligatoire pour les conseillers financiers à partir d’août 2022. Cette nouvelle régulation a fait l’objet l’an dernier d’un acte délégué de la commission européenne modifiant la directive MIFID II.
Elle s’applique pour les sociétés d’investissement sur les marchés régulés qui fournissent des conseils financiers ou de la gestion de portefeuille (fonds de pension, banque, assureurs-vie…).
Le 27 janvier 2022, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a publié une consultation sur un guide d’orientation sur le sujet.
La consultation s’achèvera le 27 avril 2022 et le dernier rapport est prévu pour Q3 2022.
Nous résumons ci-dessous les points clés de cette publication.
Contexte
Depuis 2012, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) (ou ESMA en anglais) a déjà publié des guides d’orientation sur l’évaluation des préférences d’investissement du client afin de :
- réguler les activités des robo-advisors et des plateformes automatisées de conseil;
- s’appuyer sur l’expérience des Etats Membres;
- prendre en compte les résultats des études en matière de finance comportementale.
L’objectif de ce guide d’orientation est de partager les bonnes et mauvaises pratiques autour de l’évaluation des préférences en matière de durabilité.
Evaluer les préférences en matière d’investissement responsable
Dans la version actuelle de MIFID II, les entreprises financières sont déjà tenues d’évaluer le profil d’investissement de leurs clients.
Plus précisément, les informations ci-dessous doivent être prises en compte:
- L’expérience et les connaissances du client
- La situation financière du client et sa capacité à supporter les pertes
- La tolérance au risque du client
- Les objectifs d’investissement du client
L’acte délégué a ajouté à ce dernier point la prise en compte de « possibles préférences en matière de durabilité ».
Les « préférences en matière de durabilité » font référence à
- un instrument financier qui est investi dans des investissements durables sur le plan environnemental au sens de l’article 2, point 1), du règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil* dans une proportion minimale déterminée par le client ou le client potentiel
- un instrument financier qui est investi dans des investissements durables au sens de l’article 2, point 17), du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil** dans une proportion minimale déterminée par le client ou le client potentiel
- un instrument financier qui prend en compte les principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité, les éléments qualitatifs ou quantitatifs qui démontrent cette prise en compte étant déterminés par le client ou le client potentiel;
Les définitions des termes « préférences en matière de durabilité » et de « ESG » (Environnement, Social, bonne gouvernance) doivent être incluses dans le questionnaire MIFID II.
Les termes techniques doivent être évités.
Quelles informations doivent être collectées ?
L’ESMA considère que le niveau d’information qui doit être collecté doit inclure tous les aspects mentionnés dans la définition des « préférences en matière de durabilité »
Quand les préférences en matière de durabilité doivent être collectées ?
Les préférences en matière de durabilité doivent être recueillies suite au processus d’évaluation d’adéquation (situation financière, expertise financière, objectifs d’investissement, tolérance au risque).
Cette évaluation peut être réalisée durant le premier rendez-vous avec le client et doivent être mises à jour régulièrement.
Y a t-il une différence entre conseil en investissement et gestion de portefeuille ?
Non, les sociétés d’investissement doivent assurer le même niveau de granularité des informations en cas de gestion de portefeuille ou de conseil en investissement.
Qu’en est-il de l’auto-évaluation ?
Dans les précédentes directives, l’ESMA avertissait à propos de l’usage de l’auto-évaluation.
Afin d’évaluer l’expertise financière, l’usage d’un test est recommandé afin de recueillir les réelles connaissances financières des clients.
Afin d’évaluer la tolérance au risque, l’usage de la finance comportementale est recommandé afin d’éviter les biais cognitifs.
Néanmoins, concernant l’évaluation des préférences en matière de durabilité, l’approche suggérée pour le moment est celle de l’auto-évaluation.
Que faire si aucun produit n’est adapté aux préférences de durabilité des clients ?
L’ESMA considère que les entreprises peuvent « toujours recommander les produits qui ne répondent pas aux préférences de durabilité du client, mais seulement lorsque le client a adapté de telles préférences. Cette décision doit être documentée dans le rapport de durabilité. Il doit être noté que cette possibilité se réfère seulement aux préférences en matière de durabilité et non à d’autre critère de l’évaluation d’adéquation.
(…)
Si le client déclare qu’il a des préférences en matière de durabilité, et que l’entreprise n’a pas de tels produits disponibles, cela doit aussi être documenté dans le rapport de durabilité. »
Quelle méthodologie doit être utilisée?
« Les entreprises doivent adopter une approche neutre et non biaisée afin de ne pas influencer les réponses des clients. »
Est-ce que les préférences en matière de durabilité devraient être évaluées au niveau du portefeuille ou bien à un niveau de l’instrument financier ?
« Lorsque le client souhaite inclure les aspects mentionnés sous le a) ou le c) de l’Article 2(7) de la Régulation Déléguée MIFID, cela peut être soit évalué au niveau du portefeuille ou au niveau de l’instrument financier, en fonction du service fourni. »
Que se passe t-il si le client n’a aucune préférence ESG ?
Dans ce cas, l’entreprise financière peut recommander des produits durables ou non. Le choix du client doit être indiqué.
Les prochaines étapes
La période de consultation prendra fin le 27 avril 2022. L’ESMA devrait publier un rapport final en Q3 2022.