Des investisseurs en actions de plus en plus jeunes…
Dans sa lettre de l’observatoire de l’épargne de juillet 2023, l’AMF constate un rajeunissement des investisseurs en actions, initié lors de la crise Covid 19.
Si la moitié des actionnaires ont encore plus de 55 ans, la part de jeunes détenteurs d’actions (moins de 35 ans) est en effet passée de 7,6 % en 2018 à près de 20 % au 1er semestre 2023. Le taux global d’investisseurs en actions est quant à lui resté stable à environ 6%. Dans le même temps, le taux de détention d’actions des plus de 45 ans a reculé.
Ainsi, près de 40 % des nouveaux investisseurs en actions ont moins de 35 ans. Phénomène encore plus surprenant, les moins de 25 ans détiennent plus d’actions que les 25-35 ans. Les moins de 25 ans détiennent 11.2 % en 2023, contre 8.1% pour les 25-35 ans !
Ces données sont issues des rapports de transactions quotidiens transmis à l’AMF. Il s’agit des rendus obligatoires sous MiFIDII envoyés par les prestataires de services d’investissement.
Des investisseurs de plus en plus responsables…
Alors que l’intérêt pour les placements responsables reste modéré dans la population française, il est élevé chez les jeunes investisseurs. Depuis 2022, ils ont constitué la moitié des nouveaux souscripteurs de produits financiers durables, selon une étude réalisée par Opinionway pour l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Selon la lettre de l’AMF, 58 % des moins de 35 ans expriment de l’intérêt pour la finance durable. Ils sont plus nombreux (42 %) à en avoir une bonne image que les plus de 65 ans (24 %) et à envisager d’y placer à court ou moyen terme une partie de leur épargne (44 %, contre 15 %). Ainsi, la moitié des nouveaux investisseurs en fonds responsables ont moins de 35 ans. Cet intérêt semble encore plus marqué auprès des jeunes femmes.
Ces résultats sont en ligne avec une étude 2022 de Neuroprofiler. Elle montre que 80% des moins de 40 ans souhaitent avoir un impact dans leurs investissements. En revanche, il s’agit seulement 60% pour les plus âgés.
La nécessité d’une meilleure éducation financière pour les jeunes
Ce nouvel engouement des jeunes Français pour l’investissement en action et la finance durable est une bonne nouvelle pour le développement économique et la protection sociale et environnementale. Pour autant, il doit être accompagné d’une éducation financière appropriée !
En effet, les dérives de certaines applications de trading visant un jeune public. Un exemple qui vient rapidement à l’esprit est l’application Robinhood aux Etats-Unis.
Ce dernier a été critiqué pour avoir encouragé une spéculation excessive. En particulier, le fait d’utiliser des éléments de gamification tels que des animations de confettis lors de l’exécution d’un ordre. Les pratiques gamifiées de l’application et la possibilité d’avoir un découvert important sur l’application furent même rendues responsables en 2020 du suicide d’un trader de 20 ans. Il s’était endetté de plus de 700.000 dollars sur l’application.
Par ailleurs, les autorités financières ne cessent de s’alarmer à propos des arnaques en ligne et des faux sites. Ils promettent des investissements alléchants, y compris des investissements durables, et les jeunes investisseurs sont particulièrement touchés.
La France est à la traîne en matière d’éducation financière
Pour éviter ces dérives, une bonne éducation financière reste essentielle. Or la France est loin d’être un modèle en la matière. Selon l’étude Allianz “Argent, culture financière et risques à l’ère digitale” en 2016, la France se positionne à la dernière place du classement de culture financière sur 10 pays européens, derrière le Portugal et l’Italie. Par ailleurs, l’Autriche, l’Allemagne et la Suisse occupent la tête du classement.
Un peu moins de la moitié des Français interrogés pouvait répondre à des questions sur l’inflation et les taux d’intérêt. L’étude montre également que la génération des Milléniaux (nés dans les années 1980 et 1990) a le niveau le plus faible en matière de culture financière.
Selon le lettre de l’AMF de juillet 2023, le manque d’éducation financière concerne également les sujets d’investissement durable. Les particuliers, y compris les jeunes, estiment avoir des connaissances trop limitées sur le sujet pour juger du véritable caractère durable des placements qui leur sont proposés.
Consciente de ces limites, l’autorité des marchés français a souligné en 2023 l’importance de l’éducation financière pour les jeunes. Elle met en évidence son souhait de multiplier les initiatives sur le sujet.
« Cette nouvelle génération d’investisseurs particuliers constitue un atout pour la Place de Paris » s’est félicitée la présidente de l’AMF, Marie-Anne Barbat-Layani. « L’AMF va poursuivre ses actions de pédagogie pour aider les actionnaires, en particulier les novices, quel que soit leur âge, à acquérir une culture boursière dans une perspective de long terme. »
Influencer les jeunes dans le bon sens…
En mars 2023, avec un style accessible et une esthétique moderne, l’AMF a publié un guide de l’épargne salariale. Ce partenariat avec Les clés de la finance cherche à inciter les jeunes à épargner pour la retraite.
L’AMF et l’ARPP lancent le certificat de l’influence responsable dans la finance en septembre 2023. En effet, les jeunes de la génération Z (moins de 25 ans) sont devenus très sensibles aux influenceurs. Notamment sur les réseaux sociaux TikTok, YouTube ou Instagram. Selon une analyse 2023 de l’AMF, 11 % des investisseurs s’informent aujourd’hui auprès d’influenceurs sur les réseaux sociaux, dont la plupart ont moins de 25 ans. D’après un sondage 2022 de Neuroprofiler, la nouvelle génération Z ferait même davantage confiance aux influenceurs qu’aux banquiers !
Pourtant, malgré leur aura, l’éducation financière de ces derniers reste souvent limitée. Ils représentent ainsi à la fois une vraie opportunité d’éduquer les jeunes investisseurs… mais aussi un vrai risque si l’information transmise est erronée.
Le certificat de l’influence responsable dans la finance de l’AMF
Consciente de cette problématique, l’AMF espère ainsi via ce « certificat de l’influence responsable dans la finance » professionnaliser cette activité et protéger les jeunes épargnants. A ce jour, ce certificat a été délivré à près de 1 000 influenceurs français.
Cette formation aborde à la fois les produits d’investissement, les différents types de services et de prestataires financiers. Les deux autorités y détaillent aussi les règles à respecter en matière de communication sur une offre d’investissement, en précisant les produits et services dont la publicité est interdite. Au minimum 75 % de bonnes réponses aux 25 questions à choix multiples sont nécessaires pour valider ce certificat.
Une approche alternative pour éduquer efficacement la jeune génération à la finance, encore peu exploitée par les régulateurs financiers, est celle de la gamification. En effet, cette technique peut aussi faciliter l’apprentissage si elle est utilisée à bon escient.
De nombreuses publications, y compris de la part de régulateurs comme la Consob en Italie, ont en effet montré l’efficacité de cette méthode d’apprentissage pour les sujets financiers.
Ces études montrent que la gamification permet une mémorisation sur le long terme des principes financiers. Notamment en incitant les jeunes investisseurs à revenir régulièrement sur une plateforme d’apprentissage. Certains de leurs dispositifs pour stimuler leur engagement sont le système de récompenses, d’effets de surprises et de micro-learning.
Une approche efficace pour former les jeunes investisseurs… autant que leurs influenceurs !