Biais cognitifs : Biais de ratio

Auteurs : Amélie Clavé et Tiphaine Saltini

Vous avez décidé de vous faire vacciner pour passer des vacances d’été en toute tranquillité. Vous vous rendez dans votre laboratoire où deux vaccins sont proposés, les deux ayant fait l’objet de tests préalables sérieux sur une population de 4 millions de personnes.

Vaccin 1 : à date, 15 personnes sont décédées après l’injection de ce vaccin

Vaccin 2 : le taux de mortalité est estimé à 0,00375%

Avec quel vaccin choisissez-vous de vous faire vacciner ?

Les études de sciences cognitives montrent que, face à ce type de choix, la plupart des individus vont choisir le vaccin 2, dont le taux de mortalité, sous forme de pourcentage, parait insignifiant en première lecture. Pourtant, le vaccin 2 est en réalité 10 fois plus mortel que le vaccin 1 (15/4000000=0,000375%). Le vaccin 1 correspond d’ailleurs aux chiffres actuellement disponibles sur la mortalité du vaccin AstraZeneca en France, rejeté par une large majorité de la population.

Comment expliquer cette incohérence ?

Le biais cognitif qui entre ici en jeu est appelé négligence du dénominateur, ou biais de ratio. Il correspond à notre tendance à sous-estimer les événements à faible probabilité lorsqu’ils sont présentés sous forme de pourcentages (taux de mortalité de 0,000375%) par rapport aux valeurs absolues (15 morts sur 4 000 000 de vaccins).

Selon Daniel Kahneman, l’une des figures les plus influentes en économie comportementale, notre cerveau comprend difficilement les pourcentages et les ratios. Il aura tendance notamment à mal percevoir les petits pourcentages, ne faisant que peu la différence entre 0.0375% et 0.000375% par exemple. Il sera au contraire sensible aux montants absolus, plus concrets et facile à se représenter, comme le nombre total de morts. Nous nous projetons tout de suite avec empathie dans la situation de ces 15 familles en deuil suite à l’usage de l’AstraZeneca par leur proche. Paresseux, notre cerveau fera en revanche abstraction des 4 000 000 de personnes sur lesquelles le vaccin a été testé, ce qui va biaiser notre perception de la réalité du risque de mortalité.

La seule présentation, sous forme de pourcentage ou en valeur absolue, d’une même situation, peut donc fortement influencer nos décisions.

Pour aller plus loin :

Biais cognitifs et prise de risque

Introduction à la finance comportementale

Source :

Système 1, Système 2 : les deux modes de la pensée, Daniel Kahneman