Les préférences des investisseurs particuliers et la crise du Covid

Un article intéressant a été publié par Robin Döttling (Rotterdam School of Management) et Sehoon Kim (Université de Floride) à propos de l’impact de la crise du Covid sur les flux de fonds communs de placement ESG à destination des particuliers.

L’article est intitulé « Les préférences en matières de durabilité en situation de stress : les preuves des flux des fonds communs de placement sous la COVID-19« .

L’analyse montre que les particuliers ont moins investi en finance durable durant la crise du Covid qu’auparavant.

Ces résultats contredisent l’idée répandue selon laquelle la crise du Covid aurait accru l’intérêt des investisseurs pour les produits de finance durable.

Nous avons résumé ci-dessous les points intéressants à retenir de cette publication.

Un intérêt croissant pour l’investissement durable

Changement climatique, tensions sociales, crise sanitaire… les particuliers sont de plus en plus sensibles au sujet de la finance durable.

Désormais, ces derniers cherchent à avoir un impact positif sur la société et sur la planète, dans leurs achats quotidiens autant que dans leurs investissements.

L’investissement durable, un secteur en forte croissance dans le domaine de la gestion d’actifs

Cet intérêt croissant des particuliers pour la finance durable a aussi affecté le secteur de la gestion d’actifs.

Selon le rapport semestriel de la fondation US SIF, les investissements durables américains, qui s’élevaient à 12 billions de dollars en 2018, ont augmenté de 38% par rapport à 2016 et cinq fois plus comparés à 2010.

Afin de réglementer ce nouveau marché et d’éviter le greenwashing, les régulateurs financiers ont commencé à publier de nouvelles directives afin de mieux classifier et recommander les produits durables aux particuliers.

C’est le cas, par exemple, pour l’Union Européenne, où l’ESMA a rendu obligatoire pour les sociétés d’investissement, sous DDA et MiFID II, d’évaluer les préférences des clients en matière de durabilité et de les prendre en considération lors du conseil en investissement.

En parallèle, l’ESMA a implanté un Règlement sur l’information financière durable (la « SFDR » en anglais) et une taxonomie européenne afin d’aider les entreprises financières à classer leurs produits durables.

Les recherches académiques sur les préférences en matière de durabilité

En ligne avec ces tendances réglementaires, les recherches académiques se focalisent de plus en plus sur la compréhension des préférences ESG des particuliers.

Tout particulièrement, l’article rédigé par Robin Döttling et Sehoon Kim analyse l’impact de la crise du Covid sur ces préférences.

Méthodologie

Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé les données Morningstar provenant des flux de fonds communs de placement américains à destination des particuliers, à partir de février 2020.

Les investisseurs particuliers ont moins investi dans des produits durables durant la crise du Covid

A partir de ces données, les chercheurs montrent que l’investissement durable des particuliers s’est fortement affaibli durant la crise du Covid.

Alors que les fonds durables (notés 5 sur l’échelle de Morningstar) ont des flux plus élevés que la moyenne avant la crise du COVID-19 (conformément à Hartzmark et Sussman (2019) et Ceccarelli et coll. (2020)), ces derniers ont disparu après le début du krach provoqué par la pandémie.

De plus, ce changement de flux a persisté dans les semaines du 28 mars au 25 avril 2020, lorsque le marché a rebondi de façon spectaculaire après l’annonce du plan de relance américain.

Les investisseurs particuliers moins intéressés par l’investissement durable pendant la crise

Selon cet article, ce manque d’intérêt pour l’investissement durable est également étayé par le trafic de recherche sur Google.

Tandis que les recherches sur les thématiques de finance durable s’effondrent, celles sur les sujets économiques augmentent.

Comment expliquer ces résultats surprenants ?

Les résultats de cet article peuvent surprendre car il est généralement admis au contraire que les investissements ESG ont augmenté pendant la crise du Covid et ont eu de meilleurs performances que les produits non-ESG.

Cette perception est peut-être biaisée par le fait que les investissements institutionnels dans l’ESG ont bien augmenté pendant la crise, mais pas ceux des investisseurs particuliers.

Les investisseurs institutionnels, plus sophistiqués et avec moins de contraintes financières, ont des « mandats ESG » intégrés à leurs chartes qui n’ont que peu été affectés par la crise.

Au contraire, les investisseurs particuliers ont été directement impactés par la crise économique et ont donc été plus enclins à changer de stratégie d’investissement (Cao et al. 2018)

Un autre potentiel biais est que cette étude a été réalisée exclusivement sur des données américaines. D’autres conclusions auraient pu être tirées dans d’autres zones géographiques.

Conclusion

Cet article met en évidence l’impact de la crise Covid sur l’investissement durable des particuliers américains.

Sous la pression économique, ces derniers semblent revenir à des investissements plus traditionnels et moins durables.

Cet article nuance ainsi la perception commune selon laquelle la crise de la COVID-19 a considérablement accru l’intérêt des investisseurs pour les produits durables.