L’effet cigogne
Il y a un mois, alors que la vaccination contre le Covid-19 aux Etats-Unis venait d’être étendue aux enfants de plus de 12 ans, un internaute américain énonçait le décès de 9 enfants dans les 28 jours suivant leur vaccination.
Si rien ne semble indiquer de lien entre l’injection qu’ils ont reçue et leur mort, une simple coïncidence n’est pas la première explication qui nous vient à l’esprit. Parmi ces enfants, deux sont morts par balle, trois suite à un arrêt cardiaque, un à la suite d’une crise d’épilepsie et nous ne savons pas pour les trois autres. Nous n’avons aujourd’hui pas de moyen de savoir si le vaccin a causé ou contribué à ces décès (exceptés les premiers). Et pourtant, notre cerveau semble lier ces deux informations et ne peut s’empêcher d’y voir une relation de cause à effet.
De la même manière, on peut mettre en avant le fait que 57% des décès en France ont lieu dans des hôpitaux. Est-ce pour cela que l’hôpital est dangereux et qu’en cas de maladie, nous ferions mieux de rester chez nous ?
Confondre ainsi une corrélation et une causalité est appelé l’effet cigogne.
Une corrélation correspond à l’évolution similaire (ou opposée) de deux événements distincts. Par exemple, on observe plus de nids de cigogne à la campagne qu’en ville, ainsi qu’une natalité plus forte dans les milieux ruraux qu’urbains. Il y a donc une corrélation entre le nombre de cigognes et le nombre de naissances. Une causalité, en revanche, fait référence à un lien de cause à effet entre deux événements. L’effet cigogne consiste à confondre une corrélation pour une causalité, affirmant que si A et B sont corrélés, alors A cause B.
Il y a pourtant de nombreux événements qui sont corrélés sans que l’un contribue à l’autre. Le site Spurious Correlations en recense quelques-uns, comme le taux de divorce dans le Maine et la consommation de margarine par habitant ou encore le nombre de personnes mortes noyées dans une piscine corrélé au nombre de films dans lesquels Nicolas Cage apparaît.
Quels sont les raisons ?
Cet effet trouve des explications dans notre système cognitif.
Selon Daniel Kahneman, l’une des figures les plus influentes en économie comportementale, notre cerveau fonctionne grâce à deux systèmes distincts :
- Un système 1, qui est rapide, inconscient, intuitif et ne demande aucun effort. Il repose sur des raccourcis mentaux et est sujet à des biais cognitifs.
- Un système 2, qui est lent, délibératif et laborieux. Il est utilisé lorsque nous devons résoudre un problème mathématique complexe ou expliquer un concept difficile à un ami par exemple.
Un biais cognitif tel l’effet cigogne correspond à notre système 1, paresseux, faisant appel à des raccourcis mentaux pour fonctionner de manière rapide et instinctive. Lorsque nous prenons connaissance de deux événements simultanés et évoluant de la même manière, notre système cognitif, cherchant à trouver de la cohérence et des explications, a tendance à lier ces événements et ainsi, à confondre corrélation et causalité, pour justifier et comprendre les événements qui nous sont présentés !
Auteurs : Amélie Clavé et Tiphaine Saltini