Biais cognitif : Peut on délibérer de manière inconsciente ?

Vous souhaitez investir dans votre plateforme de trading préférée et vous pouvez choisir 5 fonds dans une liste de 100. Chaque fonds a une fiche explicative expliquant le niveau de risque d’un produit, son impact ESG, son secteur d’activité, …

Vous êtes occupé et avez peu de temps pour prendre votre décision. Quelle est la meilleure stratégie pour choisir les fonds adéquats?

Stratégie 1 : La pensée analytique

Vous analysez un par un tous les éléments qui sont importants pour vos investissements. Vous voulez évidemment des fonds avec une bonne performance, mais également avec un impact ESG fort, si possible respectueux du changement climatique. Vous souhaitez si possible éviter les produits complexes, comme les produits structurés ou dérivés, puisque vous n’êtes pas familier avec leurs mécanismes. Vous êtes intéressé par le secteur de l’agroalimentaire, mais aussi du luxe…

Finalement, vous terminez avec une liste de 7/8 critères d’investissement.

Vous pouvez essayer d’utiliser votre Système 2, notre système de pensée analytique, en considérant chaque critère un par un.

Malheureusement, la plupart d’entre nous ne peuvent pas gérer cognitivement plus de cinq critères à la fois, surtout si ils n’ont pas la même importance. Ainsi, si vous souhaitez persévérez avec une approche analytique, il vous faudra vous aider d’outils, comme un fichier excel ou un outil de sélection de fonds, pour trouver la liste des fonds correspondants à vos besoin. Si le temps le permet, ou que vous avez des outils analytiques pour vous accompagner, cette première approche est certainement la plus pertinente.

Néanmoins, si votre temps est limité et que vous n’avez aucun outil pour vous aider, le risque de l’approche analytique est de faire un travail incomplet et de finir par faire les mauvais choix.

Stratégie 2 : la pensée intuitive

En pratique, par manque de temps ou d’outils, il est assez rare que les investisseurs adopte la première stratégie. Beaucoup décideront de lire rapidemment la description des fonds et feront un choix intuitif.

Quelle est la stratégie la plus efficace?

Les expériences comportementales ont montré que pour des décisions simples (par exemple, où seuls deux ou trois critères de décision sont en jeu), l’approche de pensée analytique (Stratégie 1) est la plus efficace.

Néanmoins, pour des décisions plus complexes, comme dans notre exemple de sélection de fonds à plusieurs critères, l’approche intuitive est plus efficace, surtout si notre temps est limité. Pourquoi? Car la partie analytique de notre cerveau n’est pas capable de gérer consciemment une grande quantité de données.

Si nous adoptons une approche analytique (Système 2) pour prendre une décision en situation complexe, le risque est d’avoir un raisonnement incomplet. Notre cerveau, en surcharge cognitive, pourrait par exemple se concentrer sur un seul critère arbitraire, comme sur l’impact ESG uniquement du produit.

Le résultat ne sera donc pas satisfaisant car il ne prendra pas en compte tous nos critères de préférence.

A l’inverse, l’approche intuitive nous permettra, avec peu d’effort, de prendre en compte tous ces critères pour trouver les fonds les plus proches de nos préférences. Le résultat ne sera pas aussi optimal que l’approche analytique complète, réalisée avec les bons outils ou du temps, mais elle sera meilleure qu’une décision analytique incomplète.

Les expériences en économie comportementale

Afin de tester les hypothèses décrites ci-dessus, Dijksterhuis et co ont réalisé l’expérience suivante.

Deux groupes ont du choisir leur voiture préférée sur une liste de quatre, chacune décrite par 12 attributs.

On a demandé au premier groupe de lire la description des voitures avant de faire une long tâche de 4 minutes afin de choisir spontanément leur voiture préférée. A l’inverse, les participants du groupe 2 ont eu 4 minutes pour voir et revoir les critères afin de changer potentiellement d’avis.

Quelques temps après, les participants furent interrogés sur leur niveau de satisfaction concernant leur décision d’achat. Les participants du groupe 1 ont été globalement plus satisfaits que ceux du groupe 2.

Des études plus avancées ont démontré que, dans les deux cas, les groupes utilisent leur cortex préfrontal, qui est corrélé avec leur prise de décision hautement cognitive.

Conclusion : notre intuition peut parfois donner de meilleures résultats que notre pensée plus analytique dans le cadre de la résolution de problèmes complexes.

References :

Unconscious errors enhance prefrontal-occipital oscillatory synchrony
Michael X Cohen1,2* †, Simon van Gaal1,3†, K. Richard Ridderinkhof1 and Victor A. F. Lamme3 Pessiglione, M., Schmidt, L.,
Draganski, B., Kalisch, R., Lau, H., Dolan, R. J., et al. (2007).
On Making the Right Choice: The Deliberation-Without-Attention Effect, Dijksterhuis,Bos,Nordgen,Baaren
Activation of the Cognitive Control System in the Human Prefrontal Cortex, HakwanC. Lau1,2 and Richard E. Passingham
How the brain translates money into force. A neuroimaging study of subliminal motivation. Science, 316, 904–906