L’effet de groupe

Souvenez-vous… En mars 2020, à l’annonce du premier confinement, les rayons pâtes et papier toilette des supermarchés avaient été pris d’assaut en France. Les Français avaient craint la pénurie de ces produits, inquiétés par les médias dans un climat de panique et d’urgence. 

Le 27 octobre 2020, lors de l’annonce du deuxième confinement, les présidents des grandes chaînes de distribution comme Leclerc ou Système U avaient cherché à rassurer les consommateurs sur leurs capacités à fournir les produits de première nécessité, pour éviter une nouvelle ruée sur ces produits. 

Nous sommes tous influencés par les opinions exprimées par d’autres lors de nos prises de décisions. Cette tendance naturelle résulte notamment de l’effet d’ancrage, qui correspond au fait de donner trop d’importance à la première information reçue, quelle que soit sa pertinence. 

Ce comportement moutonnier, parfois irrationnel, est qualifié en finance comportementale de biais de mimétisme. Il affecte nos décisions quotidiennes d’achats, de choix de restaurant, de carrière professionnelle… et également nos décisions financières, comme les dernières crises financières ont pu le montrer. Voir les autres investisseurs vendre ou acheter des actifs nous pousse à faire la même chose, sans penser à la rentabilité de telles décisions.

Ce biais de mimétisme a été étudié sous différents angles en sciences cognitives depuis plusieurs décennies. Une expérience célèbre pour mesurer ce biais a été réalisée dans les années 1950 par le psychologue Solomon Asch. Les participants devaient identifier le bâton parmi les trois de droite (A,B,C) de la même taille que le bâton de présentation à gauche.

Conformité d’Asch

En regardant l’image, il est évident que le bâton A est celui qui correspond au bâton de gauche. Néanmoins, si tous les autres participants (en réalité, des expérimentateurs se faisant passer pour d’autres participants) choisissent le bâton B, la majorité des vrais participants choisiront également le bâton B. 

Pourquoi sommes-nous si biaisés par le comportement, aussi irrationnel soit-il, des autres ? La théorie de certains neuroscientifiques, bien que toujours controversée, indique que certains de nos neurones, nommés neurones-miroirs, nous font imiter le comportement des autres. Ces neurones sont également présents chez de nombreux mammifères et oiseaux qui vivent en groupe. Par exemple, si un pigeon prend son envol dans la rue, des dizaines de pigeons derrière lui feront de même. Répétez le même geste devant un singe, comme lever la main, et le singe vous imitera en faisant le même geste. Les êtres humains grégaires auraient gardé cette capacité d’imiter automatiquement leurs pairs, même quand leurs comportements ne semblent pas avoir de sens. 

Références :

« Studies of Independence and Conformity: a minority of one against a unanimous majority”, Solomon Asch, 1956

Thinking Fast and Slow, Daniel Kahneman, 2011

Auteurs : Amélie Clavé et Tiphaine Saltin