Au-delà du passage à une nouvelle année, le 31 décembre 2022 a marqué la fin du délai donné par le Tribunal Administratif de Paris à l’Etat français pour agir afin de limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Or, selon les associations qui avait initié ce qui est désormais connu comme « l’Affaire du Siècle », les mesures prises jusqu’à présent ont été insuffisantes.
Par ailleurs, 2022 s’achève avec des conditions météorologiques records. Selon Météo France, « la nuit du 30 au 31 décembre a été la plus douce jamais observée en hiver, depuis le début des archives de 1947 ». Face à ce constat, certains posent l’économie comme un obstacle à l’écologie. Pourtant ce n’est pas un hasard si ces deux termes ont la même racine (« éco » vient du grec « oikos », qui signifie la maison, la maisonnée).
Dans cet article, nous vous proposons donc une introduction à l’école de pensée qui cherche à relier économie et écologie, l’économie écologique.
L’économie écologique, c’est quoi ?
L’économie écologique est une branche de l’économie qui consiste à penser la sphère économique à partir de la sphère de l’environnement, et donc des sciences naturelles. Elle se distingue par l’attention particulière qu’elle porte à la nature, à la justice et au temps, et s’intéresse à des problèmes tels que l’équité intergénérationnelle ou l’irréversibilité des changements environnementaux. On peut considérer les travaux de Georgescu-Roegen, notamment dans The Entropy Law and the Economic Process (1971), sur ce qu’il appelait la « bioéconomie » comme étant précurseurs de la discipline. L’une des principales découvertes du mathématicien, statisticien et économiste roumain était que les théories économiques orthodoxes ne respectent pas les principes de la thermodynamique, et en particulier la deuxième loi de la thermodynamique qui porte sur la notion d’entropie.
Thermodynamique et économie écologique
En thermodynamique (une branche de la physique), l’entropie peut être considérée comme la mesure du degré de désordre d’un système. Plus l’entropie d’un système est élevée, moins ses éléments sont ordonnés, liés entre eux, capables de produire des effets mécaniques, et plus grande est la part de l’énergie inutilisable pour l’obtention d’un travail.
« La Loi de l’Entropie est dans sa nature la plus économique de toutes les lois physiques » – Georgescu-Roegen
Selon Georgescu, le processus économique consiste à transformer de la matière et de l’énergie de basse entropie, c’est-à-dire des matières premières et de l’énergie utilisable, en matière et énergie de haute entropie, c’est-à-dire en déchets et en chaleur. Il remarque par ailleurs que la Terre est un système ouvert sur le plan de l’énergie mais pas sur le plan de la matière. En d’autres termes, le système Terre peut recevoir de l’énergie de basse entropie de son milieu extérieur mais pas de la matière de basse entropie (puisque « la matière provenant des météorites nous arrive sous une forme déjà dissipée »).
De là, il en conclut que le processus économique repose sur l’utilisation de ressources minérales à la fois irremplaçables et non renouvelables et que la réalisation d’une économie parfaitement circulaire est en pratique impossible (puisque malgré l’équivalence d’Einstein E=mc², il est en pratique impossible de transformer de l’énergie en matière).
Replacer la sphère de l’économie dans la sphère de l’environnement
De manière générale, l’école de pensée de l’économie écologique se distingue en utilisant les connaissances des sciences de la vie et de la terre pour penser l’économie. Cela implique notamment de penser la finance comme un sous-ensemble de l’économie, l’économie comme un sous-ensemble de la société, et la société comme un sous-ensemble de l’environnement. Cette vision est en réalité l’inverse stricte de la vision néoclassique qui tend à voir la finance comme ce qui doit contrôler l’économie, l’économie comme ce qui doit contrôler la société, et la société comme ce qui doit contrôler l’environnement. On peut résumer cette différence de vision par le schéma suivant issue d’un rapport du Shift Project:
Un exemple notable de travaux d’économie écologique qui suivent cette vision est la théorie du Donut de Kate Raworth. Le premier principe de cette théorie, et le plus connu, porte sur ce que doit être le but de la discipline économique. Selon les économistes écologiques, l’économie est « l’organisation collective du contentement, ou du moins des conditions matérielles de celui-ci. ». Or, comme la sphère économique est incluse dans la sphère de l’environnement, l’économie doit s’efforcer d’organiser le contentement tout en respectant les neuf limites planétaires.
Pour Kate Raworth, cet objectif d’organisation du contentement satisfaisant les limites planétaires peut se résumer schématiquement par un beignet (Donut en anglais):
Conclusion – l’économie et l’écologie ne s’opposent pas
Economie vient du grec « oikos » et « nomos », et signifie donc, étymologiquement, la gestion de la maison. Au cours de l’histoire, le périmètre de cette gestion a progressivement augmenté. Ainsi Adam Smith s’intéressait à la gestion (ou à la richesse) des Nations. Ce que propose de faire l’économie écologique aujourd’hui peut donc se résumer à une augmentation supplémentaire du périmètre pris en compte par l’économie. L’économie écologique, c’est la gestion de la maison que nous avons tous en commun, la planète.
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Les neufs limites planétaires sont des seuils à ne pas dépasser pour pouvoir garantir la survie de l’humanité sur Terre. Elles ont été définies par des scientifiques du Stockolm Resilience Center.
Ressources
Ralentir ou périr – Timothée Parrique, Septembre 2022
Climatsup Finance, Former pour une finance au service de la transition – The Shift Project, Décembre 2022
http://paris.tribunal-administratif.fr/Actualites-du-Tribunal/Espace-presse/L-Affaire-du-Siecle-l-Etat-devra-reparer-le-prejudice-ecologique-dont-il-est-responsable
https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/climat/un-passage-la-nouvelle-annee-exceptionnellement-doux