Réponse à la consultation de l’EIOPA (DDA) sur ses guidelines portant sur l’évaluation des préférences en matière de durabilité

Suite à l’open hearing de l’EIOPA sur ses guidelines portant sur l’évaluation des préférences en matière de durabilité à laquelle Neuroprofiler a participé, nous avons eu l’occasion de répondre à la consultation de l’EIOPA. Voici la réponse à leur consultation qui leur a été adressée.

Q1. Avez-vous des commentaires concernant l’approche proposée par l’EIOPA ?

Les guidelines de l’EIOPA sont très utiles et clarifient énormément de points de la réglementation relatifs à l’évaluation des préférences en matière de durabilité.

Néanmoins, le niveau de granularité demandé par l’EIOPA reste très élevé comparativement à la réalité du marché, et même encore plus élevé que ce qui est parfois exigé par SFDR (voir notre point suivant sur l’approche qualitative/quantitative des PAIs).

Bien que le but du nouveau cadre réglementaire soit de promouvoir les investissements durables, l’approche proposée risque de mener au résultat opposé. En effet, la complexité requise pas les guidelines pourrait biaiser l’évaluation des préférences d’investissement des investisseurs en les conduisant à partager qu’ils n’ont pas de préférences en matière d’investissement durable (quand bien même ce serait le cas), afin d’éviter d’avoir à remplir un questionnaire long et technique qui nécessiterait quasi systématiquement de modifier leurs préférences de durabilité à la fin.

Par exemple, concernant les PAIs, le 2 août 2021, les amendements de la Commission européenne de MiFID II pour l’ESG ont été publiés au journal officiel. Les amendements incluent, entre autres, l’exigence que les distributeurs de produits financiers demandent à leurs clients leurs préférences d’investissements et pus spéficiquement à propos « (c) d’un instrument financier qui considère les principaux impacts négatifs sur les facteurs de durabilité lorsque les éléments qualitatifs ou quantitatifs démontrant cette prise en compte sont déterminés par le client ou le client potentiel ».

Dans les directives actuelles de l’EIOPA, et comme reconfirmé lors de l’open hearing de l’EIOPA en mai 2022, les entreprises d’assurance et les intermédiaires d’assurance doivent recueillir les préférences des clients concernant les PAIs de manière qualitative et quantitative pour chaque PAI que le client veut voir considéré dans son investissement.

Nous suggérons que les entreprises d’assurance et intermédiaires d’assurances ne doivent évaluer quels PAIs l’investisseurs veut prendre en compte pour son investissement sans plus de détails afin

Pour plus de simplicité, nous suggérons que les entreprises d’assurance et intermédiaires d’assurances se limitent à demander aux investisseurs quel(s) PAI(s) ces derniers veulent voir être prix en compte dans leur investissement, sans n’avoir à demander plus de détails et donc en évitant une évaluation quantitative de prise en compte de PAIs donnés.

Dans le cas contraire, l’évaluation serait trop complexe et confuse pour les clients, et ce d’autant plus étant donné le niveau général en connaissances financières et la disponibilité actuelle des produits ESG sur le marché.

Q2. Guideline 1 – Etes vous d’accord avec le fait que les entreprises d’assurance et intermédiaires d’assurance expliquent l’objectif de la partie « durabilité » du questionnaire d’adéquation et son champ d’application, comme le propose l’EIOPA, ou pensez-vous que l’obligation d’information devrait être étendue davantage et, si oui, comment ?

Nous sommes d’accord avec le fait que les clients devraient être informés du but de l’évaluation de leurs préférences d’investissement en matière de durabilité.

Etant donné le niveau général en connaissances financières très limité des particuliers, nous sommes convaincus que les investisseurs devraient également être sensibilisés aux notions de finance durable, d’environnement, de social et gouvernance (ESG) ainsi qu’aux différents objectifs de la Taxonomie.

Q3. Guideline 2 – Considérez vous que les entreprises d’assurance et intermédiaires d’assurance devraient collecter des informations sur les préférences en matière de durabilité en tant que dernier élément du questionnaire sur les objectifs d’investissement ?

L’évaluation des préférences d’investissement pouvant être potentiellement très longue et la plupart des clients n’étant pas familiers avec la finance durable, nous suggérons de ne pas évaluer les préférences en matière de durabilité à la fin du processus.

Cela contribuerait à éviter toute perte d’intérêt des investisseurs à propos du questionnaire de durabilité.

Il serait cognitivement moins coûteux pour le client d’effectuer l’évaluation de ses préférences en matière de durabilité au moment où son pool attentionnel n’est pas encore totalement épuisé.

De plus, cela serait plus pertinent d’évaluer les préférences des investisseurs en matière de durabilité avant ou après les questions sur la tolérance au risque ou les objectifs d’investissement.

Nous suggérons donc que l’EIOPA donne suffisamment de flexibilité aux institutions financières relativement au moment où elles doivent évaluer les préférences en matière de durabilité.

Q4. Guideline 2 – Conformément au texte de l’article 2, paragraphe 4 du règlement délégué 2017/2359 de la Commission, tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2021/1257 de la Commission, l’EIOPA propose de collecter les informations sur la proportion minimale pour les aspects définis aux points a) et b) de l’article 2, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/2359 de la Commission auprès du client en termes de pourcentages ou de parts. Etes vous d’accord avec cette approche ?

Selon nous, cette approche soulève deux problèmes.

Premièrement, cela conduirait la plupart du temps à un alignement à 100% des préférences des clients sur la taxonomie, alors que les produits actuellement disponibles sur le marché sont au maximum alignés à 20% à la Taxonomie.

Cela créerait une certaine incohérence entre les préférences de durabilité des clients et les recommandations produits. Les clients seraient alors systématiquement invités à modifier leurs préférences en matière de durabilité, ce qui entrainerait une forte frustration pour eux.

Deuxièmement, les recherches en science cognitive montrent que les notions de « portefeuille » et de « pourcentage » ne sont pas très bien comprises par les investisseurs particuliers. En particulier, la notion de « pourcentages » qui peut conduire à un biais de ratio.

Nous recommandons donc d’utiliser la notion de parts plutôt que de pourcentages pour une meilleure compréhension par les investisseurs.

Q5. Guideline 2 – L’EIOPA propose que les entreprises d’assurance et intermédiaires d’assurance recueillent des informations sur le fait que le client choisisse un alignement à la taxonomie sur la base de tous les investissements du produit d’investissement fondé sur l’assurance ou seulement sur la base des actifs qui ne sont pas des obligations d’Etat, en raison des limitations existantes de l’alignement à la taxonomie des obligations d’Etat. Etes-vous d’accord avec cette approche ?

Des études récentes ont souligné le faible niveau de connaissances financières en Europe et ont mis en évidence l’urgence d’une meilleure éducation financière.

Etant donné le faible niveau général de connaissances en finance, la plupart des clients ne feront pas la différence entre des produits gouvernementaux et non gouvernementaux.

En conclusion, avant de poser cette question, les clients devraient être familiarisés sur ces deux notions et leurs connaissances devraient être évaluées.

Dans le cas contraire, le risque est que les clients pourraient répondre au hasard ou qu’ils refuseraient de répondre à cette question technique.

Q6. Guideline 2 – Lorsque le client ne détermine pas une « proportion minimale » spécifique pour les aspects a) et b), l’EIOPA propose que les entreprises d’assurance et intermédiaires d’assurance puissent guider le client en fournissant des proportions minimales standardisées afin de l’aider à déterminer une proportion minimale. Pensez-vous que les guidelines devraient préciser la granularité de ces proportions minimales standardisées ?

Nous sommes convaincus que les investisseurs particuliers ne devraient pas déterminer eux-mêmes leur pourcentage d’alignement à la taxonomie.

Premièrement, comme mentionné plut tôt, cela pourrait générer un biais de ratio.

Deuxièmement, le fait de donner au client la possibilité de choisir n’importe quel pourcentage d’alignement à la taxonomie sans aucun compromis sur la rentabilité, la diversification ou la disponibilité, conduira de nombreux clients à choisir un niveau de 100% d’alignement à la taxonomie.

Cela a été confirmé par l’exemple des guidelines de l’EIOPA: « Lorsqu’un client exprime ses préférences en matière de durabilité en ce qui concerne les investissements durables du point de vue environemental tels que définis dans le règlement sur la Taxonomie ou les investissements durables tels que définis dans les termes génériques de SFDR, mais qu’il n’a pas déterminé une proportion minimale spécifique, l’entreprise d’assurance ou l’intermédiaire d’assurance peut aider le client à identifier la proportion minimale en estimant des proportions minimales standardisées, telles que « minimum 10%, minimum 20%, minimum 30%, etc.« 

Cependant, sur le marché, le pourcentage maximum d’alignement à la Taxonomie des produits financiers est d’environ 20% maximum, quand la plupart des compagnies d’assurance offrent un niveau d’alignement de 5% maximum.

Ainsi, nous suggérons de limiter l’alignement à la Taxonomie à 20% afin de rendre la recommandation de produits financiers plus cohérente avec la réalité du marché. En outre, afin d’éviter toute frustration, il devrait être possible d’avertir les clients qu’actuellement, sur le marché, le pourcentage maximum d’alignement à la Taxonomie est de 20%.

Dans le cas contraire, le risque est que l’offre ne corresponde jamais aux préférences des investisseurs. Ces derniers devront alors systématiquement mettre à jour leurs préférences en matière de durabilité, ce qui pourrait générer une forte frustration chez les clients comme chez les conseillers.

Q7. Guideline 2 – Etes vous d’accord avec l’approche suggérée lorsque les clients répondent qu’ils ont des préférences en matière de durabilité mais ne déclarent pas de préférences en ce qui concerne l’un des aspects spécifiques mentionnés aux points a) à c) ou en ce qui concerne une proportion minimale à propos des points a) et b) de l’article 2, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/2359 de la Commission tel que modifié ? Si oui pensez-vous que les guidelines devraient être plus prescriptives à propos de la marche à suivre pour les entreprises d’assurance dans le cas où un client ne déterminerait pas de préférences spécifiques en matière de durabilité ?

La régulation étant très technique et exigeant une granularité très haute, certains clients ne seront potentiellement pas enclins ou bien pas en capacité d’exprimer leurs préférences concernant les points a), b) et c) de l’article 1 du règlement délégué 2021/1253.

Dans ce cas, on suggèrerait que les préférences en matière de durabilité du client soient enregistrés par les compagnies d’assurance et intermédiaires d’assurances et qu’elles soient davantage prises en compte dans le processus de recommandation.

Par exemple, si un client présente une appétence pour les produits durables mais ne souhaite pas partager plus de détail concernant les points a), b) et c), son conseiller devrait pouvoir recommander tout produit durable adapté à son profil de risque, ses objectifs d’investissement, son horizon d’investissement, son expertise ainsi que sa situation financière.

Q8. Guideline 2 – Considérez vous que des guidelines supplémentaires sont nécessaires pour clarifier la manière dont les compagnies d’assurance et intermédiaires d’assurance devraient recueillir des informations sur les préférences du client en matière de durabilité ?

Compte tenu des résultats obtenus dans ce domaine, nous sommes convaincus que les préférences en matière de durabilité des clients doivent être évaluées en faisant recours à la finance comportementale. Cela permettrait de saisir les préférences d’investissement de manière plus précise et ainsi d’éviter tout biais.

Q9. Guideline 3 – Etes vous d’accord avec l’approche concernant l’évaluation périodique ?

Nous sommes complètement en accord avec l’approche suggérée quant à la mise à jour fréquente des informations des clients.

Les recherches en sciences cognitives ont démontré que, tout comme les préférences de risque, les préférences en matière de durabilité (et plus généralement les valeurs sociales) évoluent avec le temps. Une réévaluation fréquente (chaque année ou pour chaque nouvelle transaction) est donc nécessaire.

Q10. Guideline 4 – Pour les produits multi-options (MOPs), l’EIOPA fournit des guidelines sur comment évaluer si un produit d’investissement fondé sur l’assurance correspond aux préférences du client en matière de durabilité afin de faire une recommandation personnelle. Etes vous d’accord avec cette approche ?

Nous sommes d’accord avec cette approche qui permet une meilleure correspondance entre les préférences en matière de durabilité des clients et la recommandation produit.

Q.11 Guideline 5 – Etes vous d’accord avec l’approche décrite en ce qui concerne la situation où le client fait usage de la possibilité d’adapter ses préférences en matière de durabilité?

L’adaptation des préférences des clients en matière de durabilité sera quasi-systématique étant donné:

  • Le manque d’informations ESG sur la plupart des produits, au moins jusqu’en 2023;
  • Le nombre encore limité de produits financiers durables considérés comme tels quels par MiFID II et DDA disponibles sur le marché pour les investisseurs particuliers;
  • La granularité de l’évaluation exigée par le régulateur et sa rigidité en ce qui concerne la correspondance des produits (potentiellement plus de 10 000 combinaisons possibles si aucune flexibilité n’est autorisée).

Cette adaptation, si elle devient quasi-systématique, pourrait générer une forte frustration chez les conseillers et les clients.

Demander à un client de modifier ses préférences en matière de durabilité est intime, voir agressif. Les clients ne s’attendent pas à ce que leur conseiller financier leur demande de changer leurs valeurs et croyances profondes. Cela peut avoir différents effets pervers tels que :

  • L’incitation pour les conseillers à décourager leurs clients à partager leurs préférences en matière de durabilité pour éviter de passer 5 à 6 minutes sur un questionnaire technique, en sachant à l’avance que le client aura de toutes façons à modifier ses préférences au final car aucun produit ne correspondra dans le détail à ses préférences;
  • L’incitation pour les clients à dire qu’ils n’ont pas de préférences en matière de durabilité afin d’éviter d’avoir à répondre à un questionnaire long et complexe, en sachant à l’avance qu’aucun produit adapté ne lui sera recommandé au final.

Notre suggestion serait donc soit de simplifier la réglementation actuelle afin d’éviter la situation où aucun produit adapté ne serait disponible et/ou de demander au client de signer un rapport d’adéquation dans lequel les différences entre ses préférences d’investissement et les caractéristiques du produit seraient clairement décrites, sans avoir à lui demander de changer ses préférences en matière de durabilité (ce qui équivaudrait à changer une personnalité et des valeurs personnelles profondes).

Q12. Guideline 7 – Etes vous d’accord avec la guideline concernant la qualification des employés d’une entreprise d’assurance ou des employés d’un intermédiaire d’assurance ou croyez-vous que d’autres guidelines sur cet aspect sont nécessaires ?

La finance durable étant assez complexe, les employés des entreprises d’assurance et des intermédiaires d’assurance qui offrent des produits d’investissement fondés sur l’assurance revêtant des caractéristiques environnementales ou sociales ou qui ont un objectif d’investissement durable doivent suffisamment être formés et doivent donc recevoir une formation complète sur le sujet.